Être Noir
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Aux moyens d’installations, de peintures, d’écritures, l’exposition « Être noir » de l’artiste plasticien Ruddy Marc Roquelaure met en scène l’art comme trace d’un passage à l’acte pour enrayer tout « tu », tout « vous », tout « il/s ou elle/s », qui, ne voyant qu’à hauteur de la petitesse de l’ancienne colonie française, tuent. Le « tu es noir » déshumanise pour réduire à une couleur de peau celui ou celle qui a pourtant d’autres facettes à promouvoir : l’expression individuelle de sa spiritualité, la recherche d’une assise identitaire, ses us et coutumes, ou encore son inscription politique au sein de la société qu’elle ou il veut construire. Une part de militantisme est décelable dans le titre de l’exposition : « Être noir », c’est donner sa préférence au fait d’être envisagé et non dévisagé. « Être noir », c’est donner à l’art le pouvoir de faire corps, âme et voix pour remplacer l’autodéfense par défiance : le « ka ou ka gadé mwen ? » (Pourquoi mon visage s’irrite de ton regard ?) par un « gadé mwen lè an ka palé ba-w ! » (Regarde-moi car ce que je dis t’implique).
L’exposition « Être noir » est l’occasion d’inviter le spectateur à se défaire des fantasmes de puissance, de violence ou de séduction, où être noir ne serait que chair se jouant de l’autre, qu’il s’agisse de corps séduisant par ses formes opulentes de tentatrice ou par la virilité jaillissante d’un sexe masculin, où être noir ne serait qu’esprit jugé faible dont le destin irait de saison festive à fatalité ombrageuse. Ruddy Marc n’a pas pour autant peur du « tu », du « vous », du « il/s ou elle/s » dès lors que, de la hauteur de notre île aux confluences du monde, l’on puisse énoncer en manifeste, sans fard, les forces et les faiblesses dont nous sommes la somme. Il ne donne pas de leçon, car c’est en artiste qu’il opère. L’artiste est celui qui, sans même qu’on l’interroge ou qu’une question ne soit posée, a déjà la main levée. La présence de Roquelaure au Musée d’Art et d’Histoire marque le fait qu’art, histoire et vie se décloisonnent. Il impose pour sujet premier la mélanine, en tant qu’essence vitale, dans la perspective d’un « je suis / nous sommes ».
C. Jasemin, commissaire d’exposition
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